Black-out – Loo Hui Phang / Hugues Micol – éditions Futuropolis

 Black-out – Loo Hui Phang / Hugues Micol – éditions Futuropolis



 Loo Hui Phang et Hugues Micol nous avaient offert en 2005 le passionnant Prestige de l’uniforme, véritable réinterprétation du mythe du super-héros, dans lequel originalité de l’écriture et du graphisme se mêlaient avec une grâce confondante.

 Ce duo d’auteurs, aux carrières respectives parsemées de pépites inoubliables, nous revient avec Black-out, bande dessinée nous plongeant dans la contre-histoire de « l’usine à rêves » proposée par le cinéma Hollywood. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : si Black-out est un immense livre sur les aspérités d’Hollywood, il n’en est pas moins un éloge de la fiction. Puisant ses sources dans une connaissance méticuleuse de l’histoire des minorités dans le cinéma hollywoodien, il s'y révèle, page après page, implacablement, la manière dont le 7ème Art a su façonner l’imaginaire collectif au point de se substituer parfois à la réalité.


 A travers le destin fictif de Maximus Wilde, acteur métis des grandes heures d’Hollywood, Loo Hui Phang, par son écriture ciselée, parvient à évoquer nombres de destins de figures réelles (John Ford, John Wayne, Rita Hayworth, Ava Gardner, Paul Robeson…) marquées, utilisées, inventées, parfois broyées, par la machine hollywoodienne. « Hollywood est une fiction. Il se nourrit d’histoires, fabrique des héros, les célèbre et les brûle. ». Loin de n’être qu’une usine « à divertissement », l’entreprise se meut en décideur politique. Discrimination, racisme, complotisme, uniformisation du rôle des femmes,… sont autant de pistes mises à jour dans Black-out. Outre ce terreau documentaire fascinant, le livre s’impose également par sa croyance en la fiction. Notre « croyance » en cette biographie fictive qui se déroule sous nos yeux est un postulat totalement assumé par son autrice. Maximus Wilde accède ainsi à une réalité plus grande que bien des récits de vie entrevus par ailleurs. Sans doute le détour par la littérature est-il bien plus révélateur des affres de notre société. A cet égard, la fin, évoquant la disparition de l’acteur par l’effacement de son nom dans les génériques des films auxquels il a participé, est un véritable tour de force, une véritable démonstration des capacités de l’écriture.


 Tout comme à son habitude, Hugues Micol démontre qu’il est un des dessinateurs les plus envoûtants de ces dernières années. Black-out rejoint Saint-Rose, à la recherche du dessin ultime, Scalp, Le chien dans la vallée de Chambara, Tumultes ou encore Terre de Feu, autres œuvres de l’auteur. Chaque planche est gorgée de beauté, de vigueur, de liberté, mais aussi de l’absurdité d’un monde qui s’agite. Dans ce monde hollywoodien où les personnages avancent masqués, grimés, en représentation permanente, jamais son graphisme n’a été aussi en adéquation.

 Embarquer dans la lecture de Black-out, c’est la certitude d’être confronté à ce qu'on peut nous offrir de plus exaltant lorsqu’un livre se meut autant en objet artistique que politique.


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