Monsieur Chouette – David B. – L’Association – 2025
Il faut le répéter sans cesse : David B. est un des auteurs les plus fascinant de la bande dessinée contemporaine. Qu’il soit scénariste ou dessinateur, chacune de ses propositions est emplie d’une même lutte afin d’inventer une mythologie personnelle et intime pleine d’une érudition foisonnante.
Si l’auteur est rare, il ne réalise jamais d’ouvrage anecdotique.
De cette bibliographie désormais impressionnante entamée au début des années 90, Monsieur Chouette est d’ores et déjà l'apogée. Peut-être parce qu’il réussit à être le point d’équilibre entre les aspirations littéraires et fictionnelles de l’auteur et la dissection, la mise à nu, des sentiments les plus intimes.
Marie est inquiète. Elle rase les murs, évite la lumière des lampadaires. « C’est à cause de mon ombre…c’est bête mais elle me fait peur. » répond-elle à Monsieur Chouette, intrigué par son attitude. Ce dernier lui avoue être un « psychopompe », celui qui guide dans l’au-delà les âmes des êtres morts récemment. Il lui propose alors de découvrir, en tant qu’invité, le monde des morts. Mais afin d’accomplir ce vertigineux voyage, elle devra respecter nombre de règles (porter un vêtement en peau de fantôme, enlever ses yeux pour dormir…) afin d’échapper à la surveillance du féroce Cerbère.
Depuis toujours, l’œuvre de David B. est emplie de référence à diverses mythologies. On connait également son amour pour les écrits de Pierre Mac-Orlan, de Marcel Schwob… et sa fascination pour l’apparente incohérence de nos échappées oniriques. On lui doit également une suite de livres parmi les plus notables de l’histoire de la bande dessinée : l’autobiographique et si introspectif L’Ascension du Haut-Mal. Si chacune de ses créations a toujours été nourrie de ces différentes composantes, jamais un seul livre nous a semblé mêler avec autant de grâce et de limpidité tout ce qui fait la spécificité des réflexions de l’auteur.
Monsieur Chouette réussit la gageure d’être au plus près des pulsions les plus intimes qui nous constituent, tout en étant un réservoir de fictions des plus enivrantes. La représentation de ce monde des morts mouvant dans lequel viennent s’accumuler les résidus de celui des vivants est prétexte à des mises en images fascinantes de beauté. « Une fois que les maisons ou les bâtiments sont détruits ou s’écroulent, ils arrivent ici et ils prennent place là où ils peuvent » explique le personnage psychopompe à la contemplative Marie. Ce monde des morts, dans lequel tous s’évertuent à mimer la vie d’avant, ne cesse de troubler par sa porosité avec celui des vivants.
Chaque case, mais aussi chaque péripétie narrative, est nourrie d’une égale nécessitée.
On referme l’ouvrage avec la certitude d’avoir eu la chance de se plonger le temps de la lecture dans une œuvre artistique d’une si haute exigence.Plus d'informations sur le site de l'éditeur:
https://www.lassociation.fr/catalogue/monsieur-chouette/


Commentaires
Enregistrer un commentaire