Ma famille imaginaire – Édith Chambon – éditions L’Agrume – 2023

Ma famille imaginaire – Édith Chambon – éditions L’Agrume – 2023






En 2016, nous étions tombés amoureux d’un livre proposé par « Actes Sud BD », la formidable collection dirigée par Thomas Gabison, intitulé La Maison de l’architecte polonais et de sa femme algérienne restée au pays … Ce livre, scénarisé par Jacques Bablon, bénéficiait d’une mise en page incroyable d’une autrice dont nous ignorions l’existence alors : Édith Chambon.

Par la vivacité de son trait et la liberté de ses compositions, cette dernière parvenait à inventer un personnage essentiel de son récit : l’architecture. Le dispositif scénique devenait alors un véritable outil de narration et d’émerveillement.

La couverture de Ma famille imaginaire déjà se révèle d’une sublime beauté. Les deux personnages allongés nous fixent de leur regard clair, tandis que le lecteur surplombe la vision de leurs corps dénudés, semblant apaisés dans l’élément liquide. Pourtant, l’aspect viscéral, organique de certains détails semble nous avouer dès l’ouverture que les liens qui unissent les deux personnages sont enfouis, renvoyés aux espaces les plus intimes.

Tout le propos de l’ouvrage d’Edith Chambon est là : comment raconter l’indicible beauté de la vie tout en mettant à jour les souffrances les plus aiguës.

C’est lors d’un retour sur les lieux de son enfance, afin d’assister au mariage de ses parents sexagénaires, que la jeune femme de 30 ans évoque ses souvenirs d’enfance heureux au sein d’une maison « circulaire où tout le monde crie, et où chacun·e a son itinéraire, de sorte que l’on peut se croiser comme se courir après ». Cette ouverture est merveilleuse de simplicité par l’évocation de souvenirs avec une fluidité ludique.

Et puis, soudainement, le retour à Paris s’accompagne d’un rêve « honteux », d’une réminiscence qui laisse entrevoir l’écho d’un événement violent possiblement survenu pendant l’enfance. Commence alors pour la narratrice une véritable introspection afin d’identifier « le tumulte sourd qui l’habite, l’écrase ou l’éveille. »


Edith Chambon nous offre un livre à la beauté formelle sans cesse renouvelée. On est fasciné par la façon dont elle invite ses lecteurs à épouser le rythme de son récit, l’inventivité de sa narration. Constamment en mouvement, son histoire intime parvient à prendre forme sous nos yeux avec une rare honnêteté mais aussi une grande croyance en la beauté des choses. Si les peurs, les terribles révélations, et les moments d’intenses solitudes entaillent chaque instant du livre, jamais celui-ci n’en ressort contrit. Les moyens plastiques – beauté des couleurs, splendeur des mises en page…- mis en jeu par l’autrice permettent d’être bouleversé par cette existence qui s’est déroulée le temps d’un livre devant nos yeux.






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