La femme à l’étoile – Anthony Pastor – éditions Casterman – 2023

La femme à l’étoile – Anthony Pastor – éditions Casterman – 2023
 
 

 

Zachary est en fuite dans les espaces enneigés du Montana de la fin du 19ème siècle. Sa seule possibilité de survie dans ces terres glaciales est de parvenir à rejoindre la ville fantôme de Promesa. Sa localisation lui a été indiquée par des trappeurs dont un semblait hilare à raconter la triste histoire de cette localité «Paraît que le curé était devenu tout à fait dingue (...) Il ferma la mine à la dynamite, avec encore un paquet de gars à l’intérieur. La suite ? Rien qu’un bain de sang... les familles des victimes crièrent vengeance... et tous finirent par s’étriper, voilà... ». Lorsqu’il arrive, malgré le froid paralysant, à atteindre les premiers bâtiments, il découvre qu’une présence humaine y a déjà élu domicile : Perla, jeune femme arborant un insigne de shérif.


Depuis son premier livre Ice Cream, au graphisme à la minutie confondante, réalisé en 2006, on est fasciné par la façon dont Anthony Pastor se confronte à des genres romanesques (principalement le roman noir américain…) pour à la fois en reprendre les codes, mais en les faisant évoluer vers des territoires inédits. Ainsi, la magnifique «série» Sally Sallinger, composée de Castilla Drive et Bonbons atomiques, réinvestissait tout ce qui invente notre fascination pour une certaine littérature américaine. Mais, par sa caractérisation des nombreux personnages qui habitent ses histoires, il parvient à s’extraire de l’intrigue principale pour nous faire ressentir les destins et les émotions les plus intimes de chacun d’entre eux.


Dans La femme à l’étoile, même si le passé des protagonistes ne se révélera que peu à peu, l’auteur délaisse le récit choral afin d’inventer un huis clos à la géographie extrêmement précise. On se rapproche plus d’une courte bande dessinée intitulée Le cri de la fiancée, qu’Anthony Pastor avait publiée en 2014 dans le cadre de la collection «Les petits polars BD» proposée par le journal Le Monde : des corps de bâtiments isolés, effacés par la neige, enserrés par la forêt avoisinante, mais où chaque élément semble trouver son exacte place dans le récit.


Si le motif de «la ville minière» abandonnée est exploité dans nombre de western - au cinéma, en littérature et en bande dessinée – ici il devient un élément spatial magistralement mis en scène par le dessinateur. Postes d’observations, caches... chaque lieu se transforme en acteur déterminant de la narration. L’épure du graphisme, mettant en scène des cabanes dévorées par le givre, la neige mais aussi l’atmosphère, semble vouloir sans cesse enfermer les acteurs du drame -mais aussi le lieu dans lequel ils se meuvent- dans un climat tout à la fois feutré et angoissant.


Au-delà de la chronique de cette traque implacable qui va se mettre en place contre les deux fugitifs, La femme à l’étoile est le récit de bouleversantes histoires d’amour. La pudeur mise en image dans l’acceptation mutuelle des corps des deux protagonistes a rarement été mise en scène en bande dessinée. Les gestes sont gauches, tendres, emplis de gêne lorsque chacun va panser les blessures de l’autre. Le contraste avec la violence des histoires qui les hantent est saisissant. De même, le lien amoureux qui unit les deux trappeurs Red et Virgil se révèle tout autant poignant qu’inédit dans ce récit de vengeance hallucinée.


On aurait pu encore parler de la beauté épurée des décors, de l’art de rendre en images les plus infimes des gestes... On se contentera d’affirmer à nouveau qu’Anthony Pastor est un auteur qu’il faut suivre en toute confiance.
 
La femme à l’étoile – Anthony Pastor – éditions Casterman – 2023

 


Commentaires