Le peintre oublié, Thomas Girtin (1775-1802) – Oscar Zarate – traduit de l’anglais par Hélène Dauniol-Remaud- éditions Futuropolis -2023

 Le peintre oublié, Thomas Girtin (1775-1802) – Oscar Zarate – traduit de l’anglais par Hélène Dauniol-Remaud- éditions Futuropolis -2023




Oscar Zarate a publié peu de bandes dessinées. On peut néanmoins en citer quelques-unes, dont A small killing (1991), scénarisée par Alan Moore, ou le trop méconnu Trois artistes à Paris (2006) avec Carlos Sampayo.

Ces rares publications ont pour point commun, selon nous, d’être des livres dont la splendeur graphique s’accorde aux textes écrits par deux des plus grands scénaristes de l’histoire de la bande dessinée.

Le peintre oublié est un projet dont l’auteur argentin, installé à Londres depuis 1971, assume l’entière responsabilité.


Scénariste et illustrateur, il brosse le portrait de Thomas Girtin, artiste oublié de l’Histoire de l’art, qui fut pourtant, à la fin du 18ème siècle, l’ami et le rival du célèbre William Turner. Cette émulation entre les deux aquarellistes fut mise à mal en 1802, lorsque Girtin mourut à l’âge de 27 ans. Turner aurait alors prononcé lors des funérailles de ce dernier : « s’il avait vécu, je serais mort de faim. ». Phrase apocryphe, mais qui met bien en jeu l’importance supposée de cette relation entre ces deux maîtres du paysage.

The White House at Chelsea - Thomas Girtin - (1800)


Bien évidemment, cet aspect biographie/enquête est en soi un élément passionnant dans la proposition d’Oscar Zarate. Pour autant, cet aspect « documentaire » n’est qu’une des nombreuses strates scénaristiques que déploie l’ouvrage.


A travers la relation qui unit trois personnages, dont les âges et les parcours diffèrent, l’auteur argentin invente un récit on ne peut plus contemporain. Si Sarah, Fred et Arturo fréquentent le même atelier de dessin amateur, la découverte de l’existence de ce peintre oublié va révéler en eux nombre de questionnements. Des conceptions artistiques seront au cœur de leur réflexion bien évidemment, mais également des problématiques éthiques confrontant chacun à son rapport intime à des notions aussi complexes que l’engagement, le renoncement, la solitude… Toutes ces réflexions extrêmement pertinentes et vives sont amenées avec une fluidité et une bienveillance inouïe.

Fred, « lanceur d’alerte », est amené à prendre des décisions individuelles, peut-être contre le collectif. Arturo accepte de se confronter à son exil, lié aux années de dictature argentine, et à ce sentiment de trahison qui ne l’a jamais abandonné depuis. Quant à Sarah, elle semble ne pas réussi à affronter ses désillusions, et trouve refuge dans la piété.

Tous ces récits vont se tisser dans un objet commun empli de fraternité. Rarement des renoncements, mais aussi des « petits » gestes de courage n’ont été traités avec autant d’empathie. On est ému de bout en bout par l’humanité que décrit Oscar Zarate.


L’auteur redonne à l’art une importance centrale dans notre quotidien le plus austère. La quête esthétique entreprise par Thomas Girtin, et par d’autres artistes, aide à l’élaboration de la beauté de nos propres vies. Cette contemplation invoquée acquiert une essentialité dans notre monde contemporain en mutation. « Tu dis : « Regardez ce que je peins, parce que ce que je peins va périr… sous vos yeux… Ces paysages aujourd’hui ne seront plus là demain… » C’est de ça que parlent tes sublimes tableaux. C’est de … disparition. »

Graphiquement superbes, les planches d’Oscar Zarate sont à la fois imprégnées de classicisme et d'une grande liberté formelle.

Le Peintre oublié est un immense livre.

 Le peintre oublié, Thomas Girtin (1775-1802) – Oscar Zarate


Plus d'informations ici:

Commentaires