Quelques questions à Sébastien Gnaedig, directeur éditorial des éditions Futuropolis.


Quelques questions à Sébastien Gnaedig, directeur éditorial des éditions Futuropolis.


A l'occasion de l'animation "Futuropolis, voyage au au sein d'une maison d'édition" qui aura lieu le mardi 26 février à 18 heures, Sébastien Gnaedig, directeur éditorial des éditions Futuropolis, a accepté de répondre à quelques- unes de nos questions. Qu'il en soit ici remercié.







-Pouvez-vous nous raconter le contexte de relance des éditions Futuropolis en 2004/2005 ?

En 2004, la maison était en sommeil depuis le départ de son fondateur, Étienne Robial, en 1994. Une première tentative, en 2000, n’avait abouti qu’à la publication de deux ouvrages, La débauche de Daniel Pennac et Tardi et La boîte noire, de Tonino Benacquista et Jacques Ferrandez, mais avait donné l’envie chez Gallimard, de relancer le label.





La rencontre entre Mourad Boudjellal, patron des éditions Soleil et petit frère de Farid Boudjellal, auteur historique de Futuropolis, et Antoine Gallimard va permettre cette relance. Ils vont alors me proposer d’en être l’animateur.


Le contexte est alors délicat car, après le départ d’Étienne Robial, de nombreuses maisons d’éditions indépendantes se sont développées sur les traces de Futuropolis : L’Association, Cornélius, Ego comme X et bien d’autres… Pendant ces dix ans, ils vont occuper avec talent le terrain laissé et permettre l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs qui défrichent de nombreuses pistes qui étaient alors peu ou pas abordées.

De même, l’activité éditoriale ayant été stoppée, à part la parenthèse en 2000, aucun auteur n’est présent. Il faut donc tout reconstruire.

J’y vois l’opportunité de proposer quelque chose de nouveau, une maison d’édition innovante dans sa forme, adulte, centrée sur les auteurs, ce qu’incarnait à mes yeux la première période de Futuropolis, avec une ambition nouvelle, celle de financer les créations des auteurs publiés, comme le font les « grandes » maisons d’édition. En aucun cas, il s’agit de reprendre la place laissée par Robial en 1994, place prise avec talent par les maisons indépendantes.



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Quel était votre parcours dans l’édition avant votre arrivée chez Futuropolis ?


Je travaille dans la bande dessinée depuis 1990 après des études d’édition (qui m’ont d’ailleurs amenées à faire un stage d’été chez Futuropolis en 1989 !) J’ai commencé à travailler à la fabrication des livres, aux Humanoïdes Associés puis aux éditions Delcourt ; de cette période je garde le goût de l’objet livre, et d’essayer de faire le meilleur livre possible. Puis, en 1996, le directeur des Humanoïdes Associés me propose de revenir en tant que directeur de collection et je deviens l’éditeur d’Enki Bilal, Dupuy & Berberian, de Crécy, Dodo et Ben Radis mais aussi d’une plus jeune génération, croisée en partie chez Delcourt : Luc Brunschwig, Matthieu Lauffray, Xavier Dorison, Cecil, Denis-Pierre Filippi… En quelques années je deviens le directeur éditorial puis le directeur général de cette belle maison, que je quitte suite à des difficultés financières. Je rejoins alors en 2000 les éditions Dupuis en tant qu’éditeur, avec la mission de développer autour des collections Aire Libre et Repérages un département plus adulte chez cet éditeur historiquement tous public. J’y reste jusqu’en 2004.






-Que représentez pour vous le « label » historique Futuropolis ? En quoi-cela impacte-il votre travail éditorial actuel ?

C’est une maison qui a défrichée beaucoup de choses à l’époque, qui était innovante dans son lien avec les auteurs, qui a fait découvrir un pan de la bande dessinée mondiale dans sa collection Copyright, mais aussi dans son amour de la fabrication des livres. Elle a su imposer une marque forte tout en mettant à l’honneur les auteurs qu’elle publiait. Il était important de respecter ce glorieux passé même s’il ne s’agissait pas de refaire la même chose dix ans plus tard. J’essaie de garder cette même exigence aujourd’hui.


-Que ce soit dans votre implication dans la collection Aire Libre chez Dupuis ou aujourd’hui chez Futuropolis –où on constate d’ailleurs que nombres d’auteurs vous ont suivis- on sent que se dessine un vrai attachement entre votre maison d’édition et les auteurs. Pouvez-vous nous parler de cette relation qui vous unit ?


La relation entre un auteur et un éditeur est essentielle. Elle est faite de fidélité, de respect mutuel. J’ai la chance de suivre des auteurs dont j’admire le travail, dont j’apprécie la singularité et la personnalité, dont le regard sur le monde me nourrit au quotidien. J’essaie de leur apporter mon soutien en retour et bien entendu le soutien de toute la maison d’édition. Il s’agit d’un échange sur le long terme. Je me définis comme un accompagnateur bienveillant d’un auteur et de son œuvre, un passeur qui met en avant et en lumière une histoire qui m’a plu… et cela dans la durée. Lorsque l’on m’a fait la proposition de relancer Futuropolis, avant d’accepter je suis allé voir une quinzaine d’auteurs parmi les plus proches pour leur proposer de faire cette relance avec moi. Et c’est parce qu’ils ont tous accepté que je me suis lancé dans cette aventure collective. Et c’est cette confiance qui me porte encore aujourd’hui. Tous les auteurs ne sont peut-être plus là mais beaucoup continuent de travailler chez Futuropolis. Je partage cette philosophie de travail avec Alain David et Claude Gendrot, les deux autres éditeurs. Je ne dis pas que nous arrivons à chaque fois à mettre en avant comme nous le voudrions les livres que nous éditons, le marché à ses contraintes et il évolue rapidement, mais nous tentons de le faire en tout cas.






-Le mardi 26 mars la médiathèque Le SingulierS reçoit un auteur au parcours remarquable : Christian Lax. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cet auteur et sur sa nouvelle proposition : Une maternité rouge ?


J’ai une grande admiration pour Christian Lax. Je suis ravi qu’il soit, depuis 2006 un auteur qui nous réserve ses nouvelles histoires grâce à la complicité qui le lie à Claude Gendrot. C’est un auteur qui innove, qui se remet en question à chaque livre et qui a une énergie que j’aimerai avoir à son âge (70 ans !). Ses livres témoignent d’une profonde compassion pour les laissés pour compte de notre société. Dans son dernier livre, Une maternité rouge, un récit engagé, il a voulu parler du sort des migrants, de leur parcours chaotique pour rejoindre nos pays, avec une justesse et une bienveillance remarquable. Son dessin est lui aussi de plus en plus juste, au plus près des personnages, même si ses aquarelles aux contrastes profonds donnent à ses pages une ambiance incomparable.


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