Les rigoles – Brecht Evens – éditions Actes Sud BD - 2018

Les rigoles – Brecht Evens – éditions Actes Sud BD - 2018 
 

Quatre ans après l’important Panthère , Brecht Evens publie un nouvel opus intitulé Les Rigoles , dont le titre, la forme et la complexité de la narration s’apparentent plus à ses ouvrages précédents que sont Les noceurs et Les amateurs . Tout comme dans ceux-ci, il partage un goût pour la profusion de personnages, ou l’éclatement des décors dans de délectables doubles pages. On y suit les errances d’un homme, le temps d’une dernière nuit de célibataire à Paris, avant de rejoindre et de s'installer avec sa compagne à Berlin. Le lendemain matin tout va disparaître dans le déménagement. Si l’envie est d’abord d’inviter ses connaissances, à défaut d’amis, il devra très vite se résoudre à passer cette nuit seul. Seul ? Pas tout à fait, car c’est au fil des rencontres inopinées que va se dérouler cette soirée. 
 

A la manière du Play time de Jacques Tati, le temps semble s’absoudre afin de ne composer qu’un ensemble unique dans lequel toutes les histoires semblent se fondre en une même entité. Alternant avec maestria scènes silencieuses emplies de motifs, de gestes, de postures et phases où le dialogue se fait prolixe, Brecht Evens parvient à inventer un espace d’une densité invraisemblable dans lequel le récit semble pouvoir s’ouvrir à tous les possibles. La nuit y devient espace de délectation mais aussi de répulsion. Toute la dichotomie déjà présente dans Panthère est à nouveau mise en scène ici. Le graphisme de Brecht Evens est séduisant, mouvant. Il parvient à transmettre dans son trait (crayons de couleurs, aquarelle…) la même liberté que semblent rechercher ses personnages. Pourtant, d’un bout en bout à l’autre de cette balade nocturne, l’inquiétude est là. De Vic, en passant par Rod ou Buzz, chacun incarne pleinement cette étrange dérive qui semble être le cœur même de l’ouvrage. Les Rigoles nous enivre, mais ne peut s’empêcher de distiller un étrange venin.

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