Œuvres 1 - Le labyrinthe - Zil Zelub - Annalisa et le diable - L'interview - Guido Buzzelli - éditions Les cahiers dessinés - 2018.

Œuvres 1 - Le labyrinthe - Zil Zelub - Annalisa et le diable - L'interview - Guido Buzzelli - éditions Les cahiers dessinés - 2018.

 
Découvert dans Charlie Mensuel au début des années 70, les bandes dessinées de l'auteur italien Guido Buzzelli bénéficient d'une réputation d'excellence jamais démentie auprès d'un cercle d'initiés. Pourtant, le lecteur curieux se heurte depuis des années à la quasi impossibilité de se procurer ses livres en librairie. Sans que l'on ne connaisse le pourquoi de cette omission, il faut louer les éditions Les cahiers dessinés de rendre enfin accessible cette œuvre si longtemps introuvable. 

Le premier opus- outre une indispensable préface de Frédéric Pajak intitulée Le grand art de l'anxiété et un cahier graphique en fin d'ouvrage - regroupe quatre titres traversés d'une égale noirceur et d'un même génie graphique : Le Labyrinthe, Zil Zelub, Annalisa et le diable et L'interview.

Histoire après histoire, Buzzelli utilise ses propres traits physiques afin de nous offrir un personnage en prise à la déliquescence du monde tout autant qu'à ses propres tourments. 

Dans Le labyrinthe, notre "héros" traversera une ville, dévastée par une explosion, envahie d'êtres hybrides mi hommes mi chiens et dont la seule chance de salut viendra d'une séduisante jeune femme extra terrestre du nom d'Aunona. La mission de cette-dernière est de "sauver les personnes dignes de survivre" et il n'est pas sûr que ce survivant possède les qualités requises pour être élu.

Puis vient Zil Zelub, anagramme de Buzzelli, musicien dont chacun des membres ( bras, jambe, tête ) semble avoir acquis une vie propre, au point de s'assembler ou de se séparer de leur tronc à l'envie. L'être ainsi composé ne ménagera pas ses efforts afin de reconquérir son unité physique. Médecin, chirurgien, psychanalyste et autre magicienne astrologue sont alors consultés avec comme résultat des situations plus rocambolesques les unes que les autres. 

Annalisa et le diable nous positionne dès son ouverture en témoin de l'auteur en mal d'inspiration, mêlant sans discernement son imaginaire morbide et le lieu de villégiature choisi pour amorcer un nouveau départ. Dans ce récit, le personnage n'hésite pas à se cacher derrière une case afin de "faire des choses qu'on ne peut pas dessiner". L'autofiction atteint alors des sommets d'intelligence et d’ambiguïté...


Quant au court récit L'interview, il démarre par un point de vue subjectif des mains de l'auteur en train de dessiner, avant que des personnages étranges n'apparaissent afin d'établir une interview nocturne avec lui. S'en suit une conversation baignée d'hallucinations dans laquelle l'artiste se livre à un travail d'introspection déchirant de sincérité.


"Tu vois, on peut faire tout ce qu'on veut dans une bande dessinée... en quelques minutes, tout devient beau..." affirme le personnage d'Annalisa et le diable. Et il est vrai que sous la plume de Guido Buzzelli, même les histoires les plus invraisemblables, gorgées des plus terrifiants effrois, acquièrent une inédite beauté.
Tant par son écriture que par son graphisme, l'auteur sait nous surprendre page après page. Il se rêvait avant tout peintre, et pourtant il utilisait la forme bande dessinée comme personne. Si on ne peut que louer sa maestria graphique, digne d'un Jean Giraud ou d'un Alexis -dans le sens où ils ont inventé un vocabulaire formel unique et où chaque trait force l'admiration-, on ne peut non plus occulter la virtuosité et la liberté qui innerve chacune de ses mises en page.
Par cette grâce constante, il parvient à donner l'apparence de la réalité à des récits qui ne sauraient être contés dans un autre médium. Les pages publiées dans Œuvres 1 font ressentir à celui qui s'y plonge des émotions rarement ressenties. Elles prouvent de quoi est capable un artiste dans notre société. En quoi son rôle est essentiel dans nos vies.  

 "-Tu devrais faire des histoires dont le héros serait un gars fort et courageux qui triompherait de tous les dangers.
   - Ah! Je ne saurais pas dessiner ce genre d'histoire. Je n'y crois pas..." 

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