Un troisième visage – Samuel Fuller – éditions Allia. Août 2011.



Un troisième visage – Samuel Fuller – éditions Allia. Août 2011.

Un troisième visage est l'autobiographie de Samuel Fuller. Je n'ai vu que deux films du cinéaste : Le port de la drogue, Shock Corridor.
Cependant, cette autobiographie est juste un très grand roman. Non seulement parce que sa vie est digne d'une ample fresque, mais également parce que l'écriture y est forte, sans fioritures. Fuller écrit comme il filme, parle et vit. Tout y est direct.

Sa description du milieu du journalisme dans les 20's/30's nous fait retrouver l'ambiance des romans noirs de Chandler. Il y évoque des noms qui ont croisés son histoire (Hearst, Al Capone...). Plus loin, on le voit photographier et écrire sur les bidonvilles (« Hoovervilles »), les mouvements de grève...

Puis, Fuller s'engage comme volontaire dans l'armée pour partir en Europe, refusant d'y servir en tant que journaliste. Il intègre « the Big Red One » et débarque en Afrique du Nord, en Sicile, puis à Omaha-Beach. Je crois que je n'avais jamais ressenti avec autant de force ce qu'a pu être l'horreur du débarquement en Normandie.

Il n'acceptera de reprendre, caméra au poing, sa fonction de journaliste que lors de la découverte du camp de Falkenau... Tout ce passage est boulversant.

Il raconte notamment l'histoire d'un sergent qui découvre, au camp de Falkenau, le corps décharné d'une jeune fille. Il décide de s'occuper d'elle, pendant que les équipes médicales s'occupent des autres survivants. Il la porte jusqu'à son campement, puis jour après jour, il la nourrit et lui fait écouter une boite à musique trouvé dans le poste de commandement SS. Petit à petit, elle semble retrouver vie, et puis :
« La jeune fille est morte quelques jours plus tard. Le sergent a refusé que nous l'aidions à l'enterrer (…) il a fabriqué lui même un cercueil. Il a habillé la jeune fille morte avec une robe rose et des chaussures (…) il l'a allongée soigneusement, a placé la boîte à musique sur son ventre et ses mains autour. Elle souriait. Il a alors refermé le cercueil, creusé une tombe non loin du Konzentrationslager et y a déposé le cercueil. De loin, nous l'avons regardé combler la tombe, une pelletée de terre après l'autre. Une fois enterrée, le sergent n'a plus jamais parlé de la fille. Nous non plus. » (p.267/268).

La suite du livre raconte comment Fuller se bat pour que chaque film porte sa vision ( refus de faire tourner John Wayne dans un film de guerre « Avec Wayne, ce ne serait plus qu'une histoire simpliste et moralisatrice. »), et corresponde à sa vision complexe des rapports humains.

Dans l'ossature du livre, transparait sans cesse le déchirement d'un homme qui a survécu à l'irracontable.

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