Simenon, les romans durs : Les clients d’Avrenos – Jean-Luc fromental / Laureline Mattiussi / Isabelle Merlet / Jean-Jacques Rouger – éditions Dargaud – 2025
Simenon, les romans durs : Les clients d’Avrenos – Jean-Luc fromental / Laureline Mattiussi / Isabelle Merlet / Jean-Jacques Rouger – éditions Dargaud – 2025
La collection « Simenon, les romans durs » fait preuve depuis son premier titre d’exigence, tant par la qualité de l’adaptation des romans du grand écrivain que par la qualité des auteurs et autrices qu’ils associent à chacun des projets.
Les clients d’Avrenos, publié en 1935, nous plonge dans langueur de Stamboul de l’époque à travers la liaison entre deux personnages que tout semble opposer : Bernard de Jonsac, taciturne employé d’ambassade français, et Nouchi, jeune hongroise entraîneuse du cabaret du Chat Noir à la pétillante fantaisie.
Dès les premières pages ayant comme décor la vie nocturne d'Ankara, on est séduit par l’atmosphère que le texte et l’illustration (dont la couleur !) parviennent à instaurer.
« Autour du Chat Noir, ce n’était pas une ville qui se dressait, mais une sorte de poste comme l’Amérique en avait connu au temps de la conquête de l’Ouest. En quelques années sur une montagne pelée où se mourrait un village indigène, on avait, selon la volonté de Mustafa Kemal, édifié des palais, des ministères, tracé des routes goudronnées et aménagé un grand hôtel. »
En quelques lignes, le décor est posé et ouvre en un même mouvement des espaces propices à la rêverie et à l’inaccoutumé. Ces lieux vont sans cesse servir d’extension à la narration par l’envoûtement qu’ils inventent dans l’esprit du lecteur. Les relations amoureuses et politiques semblent friables et condamnées à s’effondrer. Si cette tentation de l’effondrement n’apparait jamais au grand jour, elle sous-tend l’ensemble du récit. Le monde décrit semble limité à cet espace-temps de l’aventure -dans le sens de péripétie mais aussi de liaison passagère- qui se déploie sous nos yeux.
La proposition graphique de Laureline Mattiussi effleure sans cesse les territoires de l’abstraction (décadrages, lignes tendues, motifs décoratifs…) tout en déployant une sensualité confondante d’élégance. La mise en couleur de Jean-Jacques Rouger et de l’immense Isabelle Merlet (décidément incontournable) accompagne avec force et beauté la lancinante mélancolie de l’ensemble.
Les clients d’Avrenos est le parfait témoignage d’une adaptation littéraire magnifiée par la bande dessinée.
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