Stacy – Gipi – traduit de l’italien par Hélène Dauniol-Remaud – éditions Futuropolis – 2024
L’artiste italien Gipi est
l’auteur de quelques-uns des plus beaux livres qui m'aient été donné de lire
depuis son apparition dans le monde éditorial en 2005. Notes pour une
histoire de guerre (2005), Ma vie mal dessinée (2009) et La Terre
des fils (2017) sont des jalons dans ma vie de lecteur.
Lorsque j'ai lu cette bande
dessinée, je n’avais pas connaissance des polémiques légitimes qu’avaient
provoqué en Italie la publication d’un de ses strips en 2021. Le versant
« autobiographique », malgré l’emploi de son prénom réel « Gianni »
pour nommer son personnage de fiction, n’est de ce fait pas apparu comme ma
grille de lecture de ce récit.
Stacy nous déconcerte,
nous perd et se plait à nous déséquilibrer constamment.
Gianni est un
écrivain-scénariste, travaillant pour un projet de série-télé. Lors d’une
interview, il va « s’amuser » à faire la narration d’un de ses rêves
: il kidnappe une jeune femme du nom de Stacy puis la séquestre avant de la
tuer. Ce qui pour lui n’était qu’une « anodine » fiction va très vite
se répandre sur les réseaux sociaux et engendrer sa mise à l’écart de la
notoriété à laquelle il était promis.
Rien n’est confortable dans
« Stacy ».
Thriller terrifiant, le livre se
plait à nous perturber dans notre lecture. Double diabolique du narrateur,
réalité/fiction… tout semble s’imbriquer dans des planches irrespirables, sans
même d’espace entre les cases. On est étouffée par cette densité des mises en
page, par ce graphisme vif mais aussi par une certaine confusion des
personnages tour à tour effrayés et effrayants. Les calligraphies -éléments clé
de l’œuvre de Gipi- sont variées, envahissantes, parfois raturées et témoignent
d’une porosité entre différents niveaux de réalité. L’humour est sporadiquement
obscène, amer… et nous conduit à être interrogatif quant au positionnement de
l’auteur lui-même. Les propos semblent se superposer, entrer en conflit afin
d'inventer une proposition de mise scène d’un profond désarroi.
Œuvre dérangeante,
« bancale », sans volonté d’être appréciée, Stacy est un livre
complexe et empli d’une noirceur qui interpelle.
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