La divine comédie d’Oscar Wilde -Javier de Isusi- éditions Rackham – 2021
En
1895 au sommet de sa gloire, Oscar Wilde est condamné à deux ans de
prison, avec travaux forcés, pour atteinte grave à la pudeur en vertu
d'une loi datant de 1885 interdisant l'homosexualité.
À la suite de sa mise en liberté en 1897, il quitte définitivement la Grande-Bretagne pour la France.
Il y mourra en 1900 dans le plus profond dénuement. L’écrivain avait alors quarante-six ans.
C’est
cette dernière période la vie de l’auteur du Portrait de Dorian Gray
que Javier de Isusi nous conte dans La divine comédie d’Oscar Wilde .
Cet écrivain dont le « nom était devenu synonyme de dépravation et de
honte » , le dessinateur espagnol va le mettre en scène durant près de
400 pages dans une bande dessinée dont la puissance romanesque vous
happe dès les premières pages d’ouverture.
Tout d’abord, Javier
de Isusi parvient à incarner, avec une grande force, le corps de cet
écrivain meurtri, déchu non seulement de ses biens, mais aussi de son
honneur et de sa vie tout entière. Oscar Wilde se meut avec lourdeur de
page en page, chancelle, consomme tout avec excès. Celui dont on louait
la superbe, n’est devenu qu’un spectateur de sa propre vie, une
apparition fantomatique qui hante les nuits parisiennes.
Javier de Isusi- éditions Rackham |
Le
riche scénario nous décrit avec force détail l’ensemble des éléments qui
conduisirent à la déchéance de l’écrivain, notamment en utilisant avec
virtuosité des dialogues, témoignages des différents acteurs qui
accompagnèrent cette fin d’existence : d’André Gide à Toulouse Lautrec,
en passant par Manuel et Antonio Machado. Le livre qui pourrait
s’empeser de cette trop grande richesse, se meut avec une fluidité et
une légèreté à la fois provoquée par le texte de Javier de Isusi mais
aussi par un découpage qui semble si libre que le récit paraît se
propager, se développer de manière organique, avec l’aisance des lavis
qui le composent.
Cette prouesse d’écriture (graphique et
littéraire) ne serait rien sans le ballet crépusculaire des corps qui se
meut devant nos yeux. Dans De profundis , longue lettre écrite à son
amant Lord Alfred Douglas lors de sa détention, Oscar Wilde écrit : «
Vous êtes venu à moi pour apprendre le plaisir de la vie et le plaisir
de l’art. Peut-être suis-je destiné à vous enseigner quelque chose de
plus merveilleux : le sens de la douleur et sa beauté » . C’est en
interrogeant cette dernière zone, à la porosité équivoque, que Javier
Isusi rend le plus beau des hommages à l’écrivain.
Javier de Isusi- éditions Rackham |
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