Quelques questions à Florence Cestac à propos d’Un papa, une maman – Une famille formidable (la mienne) – éditions Dargaud – 2021

Quelques questions à Florence Cestac à propos d’Un papa, une maman – Une famille formidable (la mienne) – éditions Dargaud – 2021 :



 
Florence Cestac démarre sa carrière dans l’édition en reprenant avec Etienne Robial en 1972 la librairie Futuropolis. De cette dernière, ils feront également une maison d’édition publiant à partir de 1975 un des catalogues les plus essentiels de l’histoire de la bande dessinée. Toute cette belle histoire est racontée avec humour et émotion dans son ouvrage La véritable histoire de Futuropolis/ 1972 -1994, publié en 2007 aux éditions Dargaud.
En plus d’avoir mené une carrière d’éditrice, Florence Cestac est également autrice de bandes dessinées, alliant la pratique du scénario et celle du dessin. Dès les années 70, ses récits mêlant dérision et tendresse, dans lesquels les personnages arborent fièrement leurs «gros nez», sont publiés dans des revues telles Métal Hurlant, L’écho des Savanes, Charlie Mensuel… et le trop souvent ignoré Ah! Nana, dans lequel les auteures présentes revendiquaient avec force leur droit de s’exprimer en tant que femmes.
Dans la longue liste d’ouvrages qu’elle a publiés, on garde une affection pour son personnage d’Harry Mickson (de 1977 à 1988) ou pour sa série Le démon de midi. Et on n’hésite pas à dire que La vie en rose ou l’obsessionnelle poursuite du bonheur, Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps (avec Jean Teulé au scénario), Un amour exemplaire (avec Pennac au scénario), Fille des oiseaux ou l’autobiographique La véritable histoire de Futuropolis, sont des bijoux de narration et d’émotion.
En plus de nombreuses distinctions, Florence Cestac a reçu le Grand prix de la ville d’Angoulême en 2000.
L’œuvre de Florence Cestac nous parle de sa vie, de la nôtre et nous aide à appréhender notre quotidien avec un peu plus de beauté et de légèreté.
Elle est une des personnalités les plus importantes de la bande dessinée… tout simplement.
 
Aujourd’hui, elle publie Un papa, une maman – Une famille formidable (la mienne), dans lequel elle dresse le portrait de sa famille, et tout particulièrement de la relation compliquée qu’elle eut avec son père.
Ce nouveau bijou d’émotion nous a donné envie de poser quelques questions à Florence Cestac.  Je tiens à la remercier pour sa gentillesse et son écoute… et pour me permettre grâce à cet entretien de réaliser un de mes rêves.
 
 
Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

1° Deux années après le très réussi Fille des oiseaux, vous nous revenez avec une bande dessinée « assumée » comme autobiographique. Pourtant, de Thérèse à Noémie, nombre de vos personnages qui s’animent dans vos livres précédents semblent avoir été nourris de vos expériences. Quels sont les titres que vous considérez dans votre œuvre comme « autobiographiques » ? Pourquoi avoir fait le choix dans celui-ci d’apparaître sous le prénom de Florence ?

 

 Je pense qu’on ne raconte bien que ce qu’on connaît bien . Toute la série des Démons ( midi, après midi et soir ) sont très autobiographiques mais complétés par des anecdotes piochées chez mes copines . Pour ce dernier c’est vraiment moi pour juste faire la démonstration que la famille « un papa, une maman «  (slogan des manifs contre le mariage pour tous, bien énervant !) n’est peut être pas l’idéal et que d’autres sont tout aussi possibles. J’ai attendu que ma mère ne soit plus de ce monde car dire du mal de mon père ne lui aurait pas plu .

Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

 

2° Vos ouvrages réalisés en collaboration avec des auteurs -de talent :  Jean Teulé, Daniel Pennac ou Tonino Benacquista- semblent épouser le même « ton » spécifique à votre travail. S’y révèle toujours une alliance entre humour, légèreté et émotion. Chacun de vos livres se présente sous une apparence modeste avant de révéler au fur et à mesure de sa lecture les émotions les plus délicates. Est-ce votre style graphique et narratif qui homogénéise tout cela ? Discutez vous du scénario au fur et à mesure de la réalisation du livre ? Les scénaristes cités pensent-ils préalablement à un scénario qui s’adapterait à votre personnalité ?

 

C’est ma manière de raconter les histoires en avançant en permanence entre le rire et les larmes et ce qui me fait très plaisir c’est que les lecteurs s’y retrouvent. Le gros nez permet ce genre de pirouettes sans jamais tomber dans le patos. J’avance pareil dans la vie, je mets le nez de clown et tout devient plus facile. Avec mes scénaristes il faut qu’il y ait au départ de l’empathie. Ce sont toujours des auteurs dont j’aime l’œuvre et inversement . Ensuite il suffit de s’accorder sur un scénario sur lequel je n’interviens jamais et je me laisse guider.

Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

 

3° Question piège : comment définiriez-vous le style Florence Cestac ?

 

C’est du « Bignozart »

 

4° Dans Un papa, une maman – Une famille formidable (la mienne), vous dressez un portrait sans concession de votre père, doublé d’une description fourmillant de détails des 30 glorieuses. Quel était votre intention en abordant la narration de ce volet autobiographique concernant votre père ?

 

Un témoignage sur les méthodes d’éducation de cette génération qui a plutôt bien vécue, pères très imbus d’eux même et contents d’eux qui maintenaient madame à la maison en état de dépendance totale. La femme devait rester à la maison, s’occuper des enfants et surtout ne se mêler de rien d’autre. Si mai 68 leur a pété au nez c’est en grande partie a cause de ça.

Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

5° Il y a une grande précision dans les objets qui emplissent vos images. Chaque case devient ainsi comme le témoin d’une époque. On connaît votre goût pour les brocantes. Utilisez-vous cette passion comme base documentaire ou votre travail graphique se base sur vos seuls souvenirs ?

 

Oui je suis une chineuse compulsive et tout me sert quand j’ai besoin de dessiner un objet précis. J’adore aller aux puces car pour moi chaque chose a une histoire qui l’accompagne et j’aime bien essayer de l’inventer : un jeu en bois bricoler par grand-père, vêtement fait avec amour pour un tout petit, un outil inventé pour faire je ne sais quoi, un souvenir de vacances etc … c’est un formidable stimulant à l’imagination et à la mémoire visuelle.

 

Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

 


6° La gestuelle de votre père est représentée avec une grande minutie. De l’arrogance de sa démarche dans son cadre professionnel à l’agacement éprouvé lors des moments « en famille », jusqu’aux pas hésitants suite à son installation en maison de retraite. Travailler sur l’évolution du corps de ce personnage qui vous a été si proche a-t-il été une gageure pour vous ?

 

 Nous les auteur(e)s de bande dessinées stockons beaucoup dans notre mémoire visuelle les moindres détails et les postures qui expriment telle ou telle expression . Ça revient tout naturellement quand on en a besoin. Il y a aussi des moments de vie comme des phrases qui restent gravés pour toujours dans notre mémoire et c’est a chacun de les restituer.

(A ce titre, je précise que la case (planche 48) dans laquelle vous représentez vos parents âgés, assis sur un banc pour voir les bateaux, est un véritable joyau)

 

7° Vous avez été -avec Etienne Robial- la fondatrice de la maison d’édition Futuropolis. A ce titre, vous avez participé à l'écriture d'une des pages les plus passionnantes de l’histoire de la bande dessinée. Pouvez-vous nous citer quelques auteurs/autrices qui ont été fondamentaux dans votre parcours, mais aussi peut-être des bandes dessinées qui vous ont marqué récemment ?

 

Copyright Editions Dargaud / Florence Cestac

 

Futuropolis a été une merveilleuse aventure que j’ai racontée dans mon album » la véritable histoire de Futuropolis » et qui fut riche en relations humaines. C’est comme une grande famille une maison d’édition et il faut s’occuper de chaque membre au mieux. Les auteurs viennent vous confier ce qui est le plus précieux pour eux et nous avions décidé d’adapter le livre a leur production plutôt que de les faire entrer dans des collections ou un format obligatoire. Ça a donné à l’époque des bizarreries difficiles à vendre mais une forte identité.

Chaque auteur m’a laissé un souvenir bien précis. 

Mes auteurs fondamentaux : André Franquin, Segar, Herriman, Claire Bretécher,Fred, Gotlib. Je trouve le travail de Riad Sattouf remarquable !

 

 

Commentaires

Enregistrer un commentaire