Quelques questions à Jean-Marc Rochette concernant Le loup - mise en couleur Isabelle Merlet - éditions casterman - 2019.
Quelques questions à Jean-Marc Rochette concernant Le loup - mise en couleur Isabelle Merlet - éditions Casterman - 2019.
Au mois de mai 2019, Jean-Marc Rochette nous proposait un ouvrage intitulé Le loup. Si nous avions déjà été séduit par les précédents albums de cet auteur, dont le somptueux Ailefroide, mais aussi Terminus, force est de constater que ce nouveau livre s'inscrit une fois de plus comme un moment important de notre vie de lecteur.
Après maintes lectures, l'envie nous est venue d'aller à la rencontre de Jean-Marc Rochette, afin de prolonger le plaisir que nous prenons à "vivre" chacune de ses propositions.
Nous tenons à remercier Jean-Marc Rochette qui s'est révélé d'une gentillesse et d'une attention rare.
1- Votre carrière dans la bande dessinée a
démarré en 1978 dans l’écho des savanes avec la série des
Edmond le Cochon,
en collaboration avec Martin Veyron. Pendant des années, vous
alternez des livres au style allant de l’humour au réalisme. En
2009, la publication d’Himalaya
Vaudou – sur un scénario de Fred
Bernard- marquera le début d’une « pause » dans votre travail
d’auteur de bandes dessinées. Paradoxalement ce dernier ouvrage
ouvrait un lieu de rencontre entre votre « style » humoristique et
la beauté quasi abstraite des décors enneigés que l’on
retrouvera dans votre travail dès Terminus
en 2015. Pouvez-vous nous raconter ce qui a fait que vous vous êtes
écarté du monde de la bande dessinée, et ce qui a motivé votre
retour à ce médium ?
Pourquoi
j'ai quitté la bd? D'abord parce que je n'y étais jamais vraiment
rentré... Mais en 1987 l’Équipe m'a embauché et j'ai été
relativement libre, j'avais toujours voulu me poser réellement la
question de la peinture, cette autonomie financière m'a permis de me
lancer dans cette expérience. Après plusieurs années de peinture
et le sentiment d'une impasse, je suis retourné à la BD, mais
toujours avec de la distance. La bd, si elle me permettait de payer
mon loyer et mes pâtes au beurre... me laissait sur ma faim
artistiquement. Jusqu'à Terminus, car là j'ai travaillé
enfin sur ma propre histoire. Si Bocquet a scénarisé le livre,
l'histoire dans ses grandes lignes est de moi. Avant j'avais bien sûr
toujours donné la direction de mes livres aux scénaristes, sauf le
Transperceneige de Lob et Le Tribut de Legrand que j'ai
uniquement dessiné, mais là j'ai installé réellement la
structure, les bases, les thèmes, et la fin. J'ai dû d'ailleurs me
séparer de Benjamin Legrand qui n'adhérait pas à mes envies. J'ai
donc cherché un autre scénariste qui serait en phase avec mon
histoire. Pour la première fois j'ai vraiment structuré un livre,
même si les apports de Bocquet ont très fortement amélioré le
récit, la trouvaille des masques de souris est de lui. La bd
commençait enfin à me plaire.
2-
En 2016, vous publiez, aux Éditions du tripode, un ouvrage intitulé Anabase,
dans lequel vous confrontez vos peintures aux textes de l’alpiniste
Bernard Amy. Ces peintures ont-elles été un déclic pour la
réalisation d’Ailefroide,
dans lequel vous revenez sur votre jeunesse marquée par cet « appel
» des sommets ?
Pas
vraiment, le déclic, c'est une discussion avec mon éditrice. Je lui
racontais des anecdotes de ma jeunesse et c'est elle qui m'a persuadé
que ça pourrait faire un livre. Je n'en étais pas sûr, et j'avais
besoin de quelqu'un pour mettre une certaine distance entre moi et
moi... c'est pourquoi j'ai travaillé avec un co-scénariste, il a
tenu en quelque sort le rôle du Candide et du maïeuticien, Bocquet
n'ayant aucune connaissance du milieu de la montagne, ni de cette
époque, ni bien sûr de ma vie. Son apport a peut-être donné du
liant à l'histoire et il l'a sûrement adouci, si j'avais été seul
l'histoire aurait sûrement été encore plus rude, peut-être trop.
3-
Vous semblez avoir su dompter suffisamment la quasi abstraction, la
gestuelle que l’on découvre dans vos toiles, pour pouvoir la
retranscrire dans votre travail d’auteur de bande dessinée. La
même force semble traverser vos deux pratiques. Pouvez-vous nous
dire si vous dissociez ces deux pratiques et ce que l’une apporte à
l’autre ?
Les
deux étaient à mes débuts très dissemblables, mais plus les
années passent et plus elles se rapprochent, mon dessin devenant
plus "abstrait" et ma peinture plus "réaliste".
Bientôt peut-être ils ne feront qu'un.
4-
Pouvez-vous nous expliquer comment est née l’envie de raconter
cette relation entre un berger et un loup dans les Écrins ?
Par
la rencontre avec un berger de ma vallée qui m'a raconté le carnage
fait par un loup, des images se sont imposées à moi, et l'histoire
est sortie d'elle-même comme une évidence.
5-
Le loup a été réalisé de novembre 2018 à février 2019, soit
seulement 4 mois. Comment avez-vous procédé pour concevoir ce livre
en si peu de temps ? Quelle était l’intention de cette « rapidité
» d’exécution ?
Ce
fut comme un "transe", je l'ai écrite et storyboardée en
un mois et dessinée en trois, ça coulait de source.
6-
Vous vous associez pour cet ouvrage à la coloriste Isabelle Merlet -
à qui l’on doit, entre autres, la colorisation de nombres de
réussites de ces dernières années, de Lune
l’envers à Sainte
Rose, en passant par Les
grands espaces. On connaît votre
talent de coloriste et de peintre. Pourquoi avez-vous choisi de
travailler avec un coloriste ?
Isabelle
Merlet m'a justement évité de trop tomber dans la facture peintre,
et de permettre ainsi une meilleure lecture, elle a un talent hors
norme d'harmonie et de lisibilité que je ne possède pas.
7-
Qu'est-ce qui vous a amené à exercer ce métier d'auteur de bandes
dessinées ? Pouvez-vous nous citer quelques auteurs ou livres avec
qui vous ressentez une proximité ?
J'ai
fait de la bd, car je ne pouvais pas être peintre, ni alpiniste
professionnel, et j'ai rencontré Francis Masse en 1972, un
dessinateur grenoblois de grand talent, et ça m'a indiqué ma voie.
Je ne citerai personne car ce serait en oublier, mais si vraiment
vous y tenez, je dirais Toth, Corben, Buzzelli, et beaucoup
d'autres...
Masse / L'association |
Buzzelli / Cahiers dessinés |
Commentaires
Enregistrer un commentaire