Quelques questions à Néjib concernant Les aventures de Jhen tome 17 - Le procès de Gilles de Rais - Jean Pleyers / Néjib (d'après Jacques Martin) - éditions casterman - 2019

Quelques questions à Néjib concernant Les aventures de Jhen tome 17 - Le procès de Gilles de Rais - Jean Pleyers  / Néjib (d'après Jacques Martin) - éditions casterman - 2019


Démarrée en 1978 sous le nom de Xan dans le journal Tintin, puis rebaptisée Jhen lors de son passage aux éditions Casterman, la seconde grande série historique de Jacques Martin a connu depuis sa création de nombreuses interruptions dans son rythme de parution. Si Jean Pleyers en fut le dessinateur inaugural et régulier durant les 9 premiers épisodes -si on inclus dans cette numérotation les deux Xan d'origine- son sort fut ensuite confié à différents dessinateurs. Jean Pleyers encore pour les numéros 11, 13 et 14 mais aussi Thierry Caiman puis Paul Teng. Quant aux scénaristes chargés de succéder à Jacques Martin, il y eut Hugues Payen, Jerry Frissen et Jean-Luc Cornette.
Si, depuis la disparition de Jacques Martin, on suivait avec un peu de distance l'évolution de la série Jhen, il n'en restait pas moins que son souvenir, mêlant Histoire, violence et folie,  ne cessait d'en faire un objet de fascination.
En ce début d'année 2019, la parution du tome 17 intitulé Le procès de Gilles de Rais, fait renaître notre désir pour une série que l'on pensait irrémédiablement attachée au passé. Les raisons de cet engouement? Le retour de Jean Pleyers au dessin, auteur classique parvenant à restituer des décors avec minutie, tout en gorgeant son trait de la folie des êtres qui s'y animent, est évidemment un argument de choix. A ce choix judicieux, il faut ajouter l'association à Néjib, brillant scénariste (et illustrateur) dont le fabuleux Stupor Mundi nous avait redonné goût à une Histoire érudite, mais jamais didactique. Une Histoire, peuplée de personnages torturés, ambigus et éminemment romanesques...aspect trop souvent négligé par les héritiers de Jacques Martin. La participation de Néjib, à ce nouvel opus, étant un argument suffisant à notre désir de lecture. Qui plus est, le choix thématique du Procès de Gilles de Rais ne pouvait que nous satisfaire. Gilles de Rais étant un des personnages les plus ouvertement complexes de la mythologie de Jacques Martin. Il n'est pas faire injure à la série que de prétendre qu'il est l'élément central de la série, celui qui a fait toute l'originalité.
Le livre parvient à raviver avec maestria la grandeur de cette série. Se fondant dans les meilleurs heures de celle-ci, il se distingue par sa qualité d'écriture, de découpage, mais aussi de prise de conscience des enjeux inventés par Jacques Martin.
Plaisir de lecture que nous avons eu de envie de prolonger en soumettant quelques questions à Néjib. celui-ci a accepté de répondre avec gentillesse et patience à nos interrogations. Qu'il en soit ici remercié.


1° Quelles sont les conditions qui vous ont amené à réaliser un scénario pour un nouvel épisode de Jhen , crée originellement par Jacques Martin? Quelle était votre relation avec cette série ? 

Je travaille comme Directeur artistique aux éditions Casterman et je participe parfois au comité Martin, le comité d’édition qui gère tout le fond Jacques Martin. Les ayants droits ont constaté qu’une de mes séries historiques préférées était Jhen. J’ai été amené à rencontrer plusieurs fois Jean Pleyers, dont j’admire le travail. Or, mon album Stupor Mundi était sorti et rencontrait un très bon accueil. Benoit Mouchart, le directeur éditorial Casterman a donc proposé à Jean cette association.






2° Dans vos ouvrages précédents (les indispensables Haddon Hall , Stupor Mundi et Swan ) vous réalisiez à la fois le scénario et le dessin. Comment s’est déroulée la rencontre puis la collaboration avec le dessinateur premier de la série : Jean Pleyers ? 

J’avoue que j’appréhendais au départ. D'autant plus que le projet était clairement de rester fidèle au style Martin. Cet épisode devait conclure la relation Jhen / Gilles de Rais. J’ai fait un synopsis sommaire que Jean a validé puis j’ai travaillé en storyboard très simple que Jean enrichissait et/ou modifiait. Le storyboard finalisé, le maître pouvait passer à la réalisation de la planche. Finalement, ça s’est très bien passé!


3°Tout comme le récent Alix scénarisé par David B, la volonté de l’éditeur n’est pas de proposer LE Jhen de Néjib, mais de vous approcher au plus près du style de Jacques Martin. Dès la première case, le texte narratif (« Une nuit sans lune a plongé Machecoul et ses alentours dans un épais voile noir. Nul n’oserait s’aventurer dans le bois qui jouxte le château et cependant… ») nous rappelle les ouvertures des grand livres de Jacques Martin. Pouvez-vous définir le style d’écriture de cet auteur ? Aviez-vous établi une sorte de « cahier des charges » avant d’aborder ce projet ? 



C’était un non-sens de faire un "vu par " alors que c’était Jean qui étaient aux crayons! C’est quand même le co-créateur de la série. Donc le principe de fidélité était un accord de départ et j’étais curieux de travailler dans l’imitation, qui est un grand principe pédagogique que la modernité a trop vite jeté à la poubelle. Ça a été très intéressant pour moi d’apprendre à construire un récit avec de telles contraintes. Et pour répondre à votre question, il n’ y avait pas de cahier des charges. Il suffisait de replonger dans les meilleurs titres de la série et de s’en inspirer. Cela étant dit, je pense que dans ce récit, j’ai pu instiller une de mes obsessions: l’approche psychanalytique. C’est le seul élément qui n’est pas dans l’orthodoxie Martin.


4° La complexité des relations qu’entretiennent Gilles de Rais et Jhen est un des éléments clé de cette série. La violence et l’ambiguïté distillée par la figure obscure de ce maréchal de France en font un élément de fascination. Comme le confiait Jacques Martin dans Avec Alix : « Même s’il ne sera pas constamment présent, le personnage central de notre série est évidemment Gilles de Laval, seigneur de Rais, né en Anjou en 1404 » . Le procès de Gilles de Rais marque-t-il la fin des aventures de Jhen ou une suite pourrait-elle voir le jour sous votre plume ? 




Le principe est le suivant: chronologiquement, après la mort de Gilles de Rais, pas d’aventures de Jhen. Mais on peut se situer entre deux albums précédents. Ainsi, le prochain se passera après Le Lys et l’Ogre. Il y aura donc Gilles de Rais et Jeanne d’Arc! Comme quoi, avec un peu de malice, tout est possible!.



5° En plus de votre carrière d’auteur, vous êtes également directeur artistique chez Casterman. Pouvez-vous citer quelques publications récentes qui ont une importance particulière à vos yeux?

Chaque titre est important: je suis bien placé pour savoir qu’un auteur est dans une implication totale et que le soin qu’on va apporter à son livre est primordial. Toute la difficulté et le sel de mon travail est de trouver le temps et l’énergie pour chaque projet. Cela dit, je suis très fier de l’intégrale  Cités Obscures  ou de la nouvelle série d’Antony Pastor  No War .




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