L'essai
– Nicolas Debon – éditions Dargaud- 2015.
En
deux bandes dessinées, Nicolas Debon est devenu un auteur qui compte
pour nous. Un de ceux dont on attend chacune des parutions avec
l'envie de se replonger dans le souffle de ses récits et la beauté
de ses images. On l'avait laissé en 2012 avec le très réussi
L'invention du vide, inspiré des écrits d'Albert Frederick
Mummery
et
dans lequel il parvenait à rendre vibrante cette quête insensée
des sommets les plus vertigineux par ce qui furent les initiateurs de
l'alpinisme. Au détour de ces pages, se révélait à nous un
identique désir de percevoir ces sommets encore vierges. Entre
abstraction et réalisme, les décors offerts par Nicolas Debon
devenaient source d'émerveillement et d'émotion non feinte.
Avec
ce
nouvel ouvrage,
Nicolas Debon s'inspire
cette fois ci d'
une
toute autre expérience: l'invention
d'une communauté dans les Ardennes en 1903, proche du village
d'Aiglemont, sous l'impulsion de l'anarchiste Fortuné Henry. Cette
colonie se nommera «L'essai». Tout comme dans ses précédents
opus, l'aventure humaine est ici au coeur du récit. «La
fascination que cette expérience a exercé sur moi vient peut-être
de la dimension d'archétype, presque de mythe: des hommes modernes
ont tenté de construire, à l'écart de la civilisation et avec des
moyens rudimentaires, un nouveau modèle de société.» nous
dira l'auteur dans sa postface. Cette volonté, cet enthousiasme
devant ce qui reste à accomplir, nous est transmis page après page.
Une fois de plus, l'immense qualité de Nicolas Debon est de mêler
avec brio l'aspect documentaire au souffle romanesque. Ces
personnages sont incarnés, ils
ne
deviennent jamais de simples
intermédiaires à un sujet. On est souvent ému par les parcours de
Fortuné Henry ou d'Adrienne. L'auteur ménage son récit en
l'emplissant de cases libres, ou
le
texte se
fait succinct voir absent.
Dans ces souffles, on ausculte à la manière d'un entomologiste
chacun des gestes des membres de la colonie. Un
point de couture, le ramassage du bois, le travail de la terre, la
découpe des matériaux, et même des poings posés sur une table,
deviennent les plus émouvants vecteurs de sa narration. Par
son travail, chacun
des individus modèle le paysage, le géométrise, et en
révèle sa beauté. C'est par cette croyance au pictural que Nicolas
Debon atteint le coeur même de son sujet.
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