Une
métamorphose iranienne
– Mana Neyestani – éditions Çà
et Là
/ Arte
éditions - 2012.
En
2006, Mana Neyestani publie au sein d'un hebdomadaire iranien un
dessin humoristique destiné à un public enfantin. Il y représente
un enfant discutant avec un cafard. Ce dernier emploie l'expression
«Namana», qui, selon l'auteur, est une formule du langage courant :
«On dit ça tout le
temps quand on ne trouve pas les mots.»
Sauf que ce terme est d'origine azéri, peuple d'origine turque
vivant en Iran. Certains azéris, déjà victimes de nombreuses mises
à l'écart de la part du régime, se sentent offensés une fois de
trop et décident de se
révolter. Mana Neyestani est alors désigné comme l'unique coupable
de cette atteinte à l'ordre public malgré qu'il n'ait «transgressé
aucune loi dans cette affaire».
Il est alors mené à la prison d'Evin, au Nord de Téhéran, dans le
bâtiment 209, centre de détention du Ministère
de l'Intérieur.
Démarre alors une longue suite d'interrogatoires psychologiquement
éprouvants
et de détention arbitraire.
C'est
avec Une
métamorphose iranienne
que nous avons découvert Mana Neyestani en France. Ouvrage bien
évidemment indispensable par sa description saisissante d'une
sinistre réalité, par
sa
valeur de reportage, mais qui a
l'intelligence de s'écarter de cette simple narration des faits pour
accéder à une dimension plus universelle. La référence à Kafka
contenue dans le titre mais également dans la figure du cafard
infuse
l'ensemble
de l'ouvrage. Au-delà de ses vertus autobiographique et informative,
c'est un immense livre sur l'absurdité, l'angoisse et le manque.
Dans L'homme de
Kiev,
roman publié en 1966, Bernard Malamud mettait ces mots dans la
bouche de son personnage principal Yakov Bok: «Une
chose que j'aurai apprise, songea-t-il, c'est que personne ne peut se
permettre d'être apolitique (…). Puis il pensa: là
où l'on ne se bat pas pour la liberté, elle n'existe pas.». On
sort d' Une métamorphose iranienne
abasourdi et bouleversé.
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