L'insurrection
– Tome 1: Avant l'orage – Gawron / Sowa - éditions Dupuis
/Aire Libre – 2014.
«C'était
en 1944, le Printemps commençait à peine et la guerre se terminait.
Mais ça, on ne le savait pas encore (…) La ville (Varsovie)
essayait de retrouver le calme malgré l'occupation allemande...et la
tragédie de l'année précédente dans le ghetto juif (…) mais ce
calme n'était qu'apparent.»
C'est à
travers les personnages de Edward, Alicya, Anna, Krystyna, Zygmunt ou
Zofia que Marzena Sowa tisse un récit qui nous plonge au coeur de
Varsovie à l'aube de la débâcle de la résistance intérieure
Polonaise face à l'armée allemande, en l'absence d'intervention de
l'armée russe.
Marzena
Sowa, à qui l'on doit déjà la belle série Marzi, nous
offre un récit parfaitement construit, dans lequel chacune des
trames individuelles semble se fondre et plonger vers le cours
inéluctable et tragique de l'histoire. L'ensemble est composé avec
fluidité, élégance, et une qualité d'écriture telle que jamais
le texte de Marzena Sowa ne frôle le didactisme ou le «romanesque»
trop savamment construit. C'est avec une intensité inouïe que
chacun des acteurs de cet album semble aspirer à sa propre
existence, bien au-delà de sa vie de papier.
L'album
bénéfice également du travail d'orfèvre du dessinateur Krysztof
Gawronkiewicz -dont on avait admiré la force du magnifique Achtung
Zelig! grand album de 2005- dont le graphisme ne cesse de
s'inventer tout au long du récit, en n'ayant qu'une logique celle de
suivre son propos. Sans jamais être démonstratives, ses planches
atteignent parfois une beauté sidérante. Ces efforts de
construction se découvrent en particulier dans la mise en avant
permanente des cadres de portes ouvertes ou fermées , cadres de
fenêtres intérieures ou extérieures, cadres de tableaux au mur,
miroirs «recadrant» une scène...On est sans cesse dans
l'expectative de ce qui peut se passer derrière ses ouvertures, de
qui se trouve derrière ces orifices. Observateur ou observé? Ce
n'est pas par hasard que l'album s'ouvre sur une case noire suivie
d'une main en ombre qui soulève les rideaux afin d'observer
l'extérieur et se termine sur la même scène inversée. C'est sur
ce jeu incessant de cadrage/recadrage, sur cette tension, que
Krysztof Gawronkiewicz a pensé sa proposition toute entière.
L'insurrection,
1. Avant l'orage est un grand album, bénéficiant de
l'investissement évident de ses deux auteurs, et dont la grande
force est d'être à la fois d'une exigence rare et d'un accès
pourtant aisé.
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