La trilogie de Corfou – Ma famille et autres animaux / Oiseaux, bêtes et grandes personnes / Le jardin des dieux – Gerald Durrell – éditions La table ronde – 2014.
La trilogie de Corfou – Ma
famille et autres animaux / Oiseaux, bêtes et grandes personnes / Le
jardin des dieux – Gerald Durrell – éditions La table
ronde – 2014.
Il est des livres dont on a envie
de parler à la première personne du singulier, d'oublier le temps
d'une chronique la distance que l'on s'efforce de prendre avec un
ouvrage afin d'atteindre une soi-disant objectivité, des textes qui
résonnent autant par leur qualité inhérente que par l'écho qu'ils
évoquent dans votre propre histoire.
Du naturaliste Gerald Durrell,
jusqu'à la publication de l'intégralité de la Trilogie de
Corfou par les éditions de La Table Ronde, je connaissais le
visage fait de bonhomie entraperçu au hasard d'une émission de
télévision et un livre: Le naturaliste en campagne. Ce
dernier se présentait comme un «guide pratique pour découvrir
la nature avec Gerald Durrell et Lee Durrell». Cet ouvrage
publié alors aux éditions Bordas a été pour ma mère un livre de
chevet tout au long son existence. Pour elle, institutrice en école
maternelle, qui avait la volonté de faire découvrir «le monde du
vivant» à des jeunes enfants, ce livre était une source
inépuisable d'informations, mais également d'apprentissages à se
mettre en situation d'émerveillement. Car c'est bien cela l'enjeu
des ouvrages du naturaliste anglais: nous amener à être attentif au
moindre frémissement de la vie, et cela passe sans doute par le fait
de retrouver une curiosité toute enfantine.
L'auteur
a passé sa jeunesse à Corfou, dans une vieille demeure de style
vénitien, entouré de sa mère, de sa sœur Margo et de ses frère
Leslie et Larry (Lawrence Durrell le frère aîné écrivain). A
cette fratrie, il convient d'ajouter les nombreux animaux ramenés au
foyer par le futur naturaliste alors âgé d'une dizaine d'années:
un lérot, une huppe, des chiots arrachés à la mort... et
d'innombrables insectes. Comme il l'écrivait lui-même dans son
ouvrage Le
naturaliste en campagne:
«Chaque
fois que je m'approchais de cette demeure, que ce soit de jour ou de
nuit (…) je me prenais à regretter qu'elle ne fût pas vraiment
une ancienne maison de poupées; j'aurais pu alors l'ouvrir en grand
afin d'observer tous les êtres vivants tapis à l'intérieur».
Le livre entier est résumé dans cette citation, tant c'est avec une
joie et une émotion sans cesse renouvelées que nous suivons les
mésaventures de cette incroyable famille, qui semble prendre vie
sous la plume de l'auteur comme autant d'acteurs d'un petit théâtre.
Bien sûr, on y découvre foule
d'anecdotes quant à la faune et la flore de Corfou, mais c'est avec
ce même souci du détail et de l'émerveillement qu'il décrit
également chacun des protagonistes issus du cocon familial ou
invités à leur rendre visite (Jeejee, Kralefsky, Loulou et Harry,
Theodore Stephanides, le colonel Ribbindane...). Foule de
personnages, plus exubérants les uns que les autres, animent la vie
au sein de l'île et sont prétextes à des scènes burlesques et
irrésistibles. On pense souvent à un rapprochement possible avec
ces lointains cousins cinématographiques que sont les beaux films de
Bruno Podalydès ou Wes Anderson.
D'un
bout à l'autre, cette Trilogie
de Corfou
réussit à vous émerveiller, à inventer une empathie inouïe
envers ses personnages. Gerald Durrell nous offre une œuvre qui nous
accompagnera longtemps, dans laquelle on se replongera régulièrement
avec délice afin de reprendre contact avec ses amis, qui auront été
les nôtres durant les quelques 1000 pages que composent cette
éblouissante fresque. L'auteur ne s'est pas trompé en clôturant
son dernier opus avec un chapitre intitulé Les
joies de l'amitié
dans lequel il nous convoque à une grande fête pleine de magie
réunissant nombre des acteurs entrecroisés précédemment. On a
qu'une hâte: inviter d'autres lecteurs à nous rejoindre dans cette
prodigieuse demeure qui, on le sait, nous accueillera bien
volontiers.
Pour finir, je laisse la parole au
plus beau personnage du roman, à savoir la mère de l'auteur:
«Non,
non, mon chéri, ce n'est pas ce que je veux dire, simplement cette
maison paraît si rarement normale. Je fais de mon mieux, mais allez
savoir pourquoi, nous ne semblons pas capables de vivre comme tout le
monde».
Tout comme pour ma mère avant
moi, L'oeuvre de Gerald Durrell est désormais devenue un de
mes livres de chevet.
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