La dernière fête –
Gil Scott-Heron – éditions de l'Olivier – 2014.
Gill Scott-Héron est décédé le
23 Mai 2011. De ce grand artiste, on avait été marqué par la force
de son roman noir Le vautour, publié en 1970 et écrit à
l'âge de 19 ans. On revient aussi régulièrement à ses disques
tels que Pieces of a man (1971) ou son dernier et magnifique
opus I'm new here (2011).
Les éditions de l'Olivier
publient aujourd'hui les Mémoires posthumes et inachevés de Gil
Scott-Heron intitulés La dernière fête. Dès les premières
pages, on sait que nous avons affaire à un véritable ouvrage
d'écrivain et non à une simple narration des événements qui ont
ponctué sa vie. De fait, l'ouvrage commence ainsi : «Aussi loin
que remontent mes souvenirs, les mots sont importants pour moi. Leur
son, leur construction, leur racine. En raison de cet intérêt, peu
d’endroits auraient pu me fournir dans mon enfance une matière
première aussi merveilleuse que le sud-est de l'Amérique du Nord».
Tout au long de ses Mémoires, Gil Scott-Heron vous subjugue par son
sens de la formule, par la concision de son style et surtout par le
rythme qu'il parvient à insuffler à chacune de ses phrases.
Quant au propos, jamais il ne se
complaît dans un quelconque travers narcissique, écueil condamnant
nombre d'autobiographies. Ce que nous raconte Gil Scott-Heron par le
biais du parcours d'un enfant noir ayant grandi du Tenessee au Bronx,
c'est aussi une autre histoire des États-Unis. L'aspect le plus
émouvant du texte est la façon dont l'auteur, sans évacuer la
pauvreté ou la ségrégation qui sous-tend une bonne partie de
l'ouvrage, s'évertue constamment à narrer ce qui a pu être
lumineux dans sa vie: un quasi éloge d'un parcours éducatif qui l'a
vu alterner école noire et école blanche mais dont il dit «Je
suis très fier de l'éducation que j'ai reçu pendant dix-sept ans
au sein de dix établissements». Des gens qui ont cru en lui, on
retiendra sa professeure d'anglais «blanche» Nettie Leaf qui
appuiera sa candidature à l'école privée de Fieldstom et dont il
pensait pourtant qu'elle les poussait à lire une livre qui «était
un truc de Blanc pour les Blancs; que ça parlait d'elle, pas de
nous». On est également touché par le portrait de sa
grand-mère Lily Scott qui l'a élevé dans le Tennessee : «Quand un
blanc entrait, il allait droit au comptoir comme si les noirs étaient
invisibles. Mais pas avec ma grand-mère.» ainsi que celui de
nombre de femmes dont sa propre mère «Nous avons redescendu la
colline sans trop parler. Encore une chose qui me plaisait chez ma
mère. Le mutisme ne lui faisait pas peur.»
C'est ainsi que se raconte la vie
de Gil Scott-Heron, à travers ces moments, et ces personnes, qui
furent gorgées d'humanité. De cette vie, dans cette version
inachevée, il prend le parti de n'en raconter que «l'exemplaire»,
«le rayonnant». Le 43ème et dernier chapitre se termine
par une bouleversante confession qui témoigne à la fois de la force
littéraire de ce texte, mais également de la place toute
particulière qu'il occupera désormais dans la bibliothèque du
lecteur :
«Il
se peut que je n'aie jamais d'autre occasion de dire cela à ces
enfants, comme je sais ne leur avoir jamais appris par l'exemple,
pour qu'à leur tour ils se tournent l'un vers l'autre en cas de
besoin. J'espère qu'il ne fait aucun doute que je les ai aimés, eux
et leurs mères, du mieux possible. Et si, inévitablement, cela n'a
pas suffi, j'espère que cela aura été compensé par leurs mères,
qui furent bien mieux sans moi.»
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