Le
13 Mars 2013 est paru Terra Australis,
bande dessinée passionnante et foisonnante, dont nous avons dit le
plus grand bien ici : Terra Australis coin limule
Cette
œuvre nous paraît d'une telle richesse -graphique et narrative-
qu'il nous est venu à l'idée de poser quelques questions à
Philippe Nicloux, le dessinateur de l'album. C'est avec beaucoup de
gentillesse que celui-ci a accepté notre demande.
Voici
donc un petit entretien qui, nous l'espérons, vous donnera encore
plus envie de plonger dans cette aventure.
5 questions à Philippe Nicloux concernant Terra Australis :
De quand date le projet ? Le scénario était-il construit entièrement depuis le début puis vous avez effectué un découpage comme si vous adaptiez un roman ou avez-vous travaillé de concert en faisant évoluer le projet progressivement ?
LFB*
a commencé à réfléchir à son scénario à partir de 2007. A
partir de toute la doc et de toutes les anecdotes accumulées, il en
a tiré un synopsis, qui aurait fait dans les 800 pages. Ensuite, il
a écrit chapitre par chapitre. Car au départ, les 3 livres étaient
découpés en chapitres. Cette idée a été abandonnée pour des
raisons de fluidité. En cours de route, LFB a abandonné certains épisodes prévus, puis a recentré son script sur quelques
personnages récurrents qui nous ont servi de fil rouge.
Tu sortais de trois albums (Rashomon, Otomi et Tropique de l'agneau) assez éloignés de cet univers maritime. As-tu toujours eu une passion pour cet univers ou as-tu dû te documenter pour l'album (photographies / documents historiques) ?
J'ai
toujours aimé l'art du XVIIIème siècle, la peinture,
l'architecture ou la musique. Mais en l'occurrence, l'art n'est pas
très présent dans Terra Australis. Je pensais aussi très
fort aux peintures de marine de cette période lors du livre II, et
évidemment l'ombre de Bourgeon et des passagers du vent flottait
comme un idéal inaccessible au dessus de ma tête. J'ai bien sûr
cherché beaucoup de documents (gravures, peinture), même s'il
n'était pas question d'atteindre le degré de détail et de
précision de Bourgeon, justement.
J'ai trouvé ton trait d'une grande élégance. Peux-tu nous dire quelle est la technique employée (ou quelles sont les techniques employées) ?
Merci
pour l'élégance. Mais de mon point de vue, je trouve le style de
dessin de Terra Australis parfois rêche et
brutal. C'est le trait qui s'est imposé pour décrire cet univers de
prisons, d'enfermement et de violence. Même en Australie, si
dessiner la nature était un réel plaisir, c'est aussi une nature
hostile et sauvage.
Après avoir commencé à dessiner sur des planches papier, à l'encre de Chine, je n'étais pas satisfait du résultat. J'ai donc basculé sur la palette graphique, après avoir trouvé un logiciel génial, "my paint", qui m'a permis d'obtenir cet effet de peinture-aquarelle assez naturel.
Après avoir commencé à dessiner sur des planches papier, à l'encre de Chine, je n'étais pas satisfait du résultat. J'ai donc basculé sur la palette graphique, après avoir trouvé un logiciel génial, "my paint", qui m'a permis d'obtenir cet effet de peinture-aquarelle assez naturel.
Aviez-vous décidé dès le départ que Terra Australis serait un imposant volume unique (508 pages) et non une série ? Qu'est-ce qui a motivé ce choix au final ?
LFB,
au départ, pensait sans doute faire une série de 8 ou 10 livres.
Mais très vite, dès les premières discussions avec l'éditeur, la
solution du volume unique s'est imposée, qui correspondait bien avec
l'esprit de la collection Mille feuilles. Je crois qu'une
partie de la force de Terra Australis réside dans le fait de
suivre cette aventure d'un seul tenant.
J'ai trouvé que l'épilogue est une grande réussite, notamment avec la mise en page d'une grande fluidité. J'ai pensé à Will Eisner. As-tu des modèles, des influences parmi les auteurs de BD ? Et peux-tu nous parler de ton prochain projet ?
Oui,
ce découpage s'est imposé à moi quand j'ai réfléchi au moyen de
quitter, littéralement, tous ces personnages qui m'ont occupé
pendant tout ce temps. Malgré le soulagement de finir le livre, je
savais que j'allais terminer une expérience qui risque de ne pas se
reproduire de sitôt... Il y a vraiment une sorte de tristesse qui
émane de l'épilogue, une tristesse que devait ressentir LFB quand
il a mis le point final de ce livre si important pour lui.
En tant que lecteur, j'apprécie beaucoup les livres "expériences", ceux qui creusent et explorent les possibilités du médium bande dessinée. Alors je lis beaucoup Chris Ware, Alan Moore, Trondheim les recherches de l'OuBaPo, par exemple. Il y a beaucoup d'auteurs dont j'admire l'oeuvre, comme Run, Ledroit, Goossens, Pierre La Police... Avec au sommet du panthéon, les Grands Anciens de Métal Hurlant, et le Grand «Stratéguerre Bicéphale Suprême», Moebius/Giraud. Bref, ça part dans tous les sens, mais je ne crois pas que ces influences/admirations se ressentent dans mon travail.
Actuellement, je considère ne pas avoir de style, parce que jusqu'à présent, chaque livre que j'ai fait commandait un style différent. Par exemple, et pour répondre à ta question des prochains projets, l'un d'eux se passera au Japon, dans les années 90. Donc, il va falloir que j'adapte encore mon dessin à un univers moderne et urbain. Il va falloir changer de costume, c'est comme du théâtre, en fait.
En tant que lecteur, j'apprécie beaucoup les livres "expériences", ceux qui creusent et explorent les possibilités du médium bande dessinée. Alors je lis beaucoup Chris Ware, Alan Moore, Trondheim les recherches de l'OuBaPo, par exemple. Il y a beaucoup d'auteurs dont j'admire l'oeuvre, comme Run, Ledroit, Goossens, Pierre La Police... Avec au sommet du panthéon, les Grands Anciens de Métal Hurlant, et le Grand «Stratéguerre Bicéphale Suprême», Moebius/Giraud. Bref, ça part dans tous les sens, mais je ne crois pas que ces influences/admirations se ressentent dans mon travail.
Actuellement, je considère ne pas avoir de style, parce que jusqu'à présent, chaque livre que j'ai fait commandait un style différent. Par exemple, et pour répondre à ta question des prochains projets, l'un d'eux se passera au Japon, dans les années 90. Donc, il va falloir que j'adapte encore mon dessin à un univers moderne et urbain. Il va falloir changer de costume, c'est comme du théâtre, en fait.
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LFB : Laurent-Frédéric Bollée, scénariste de Terra
Australis.
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