Manuele Fior - L'entrevue - éditions Futuropolis – 2013.


Manuele Fior - L'entrevue - éditions Futuropolis – 2013.


Alors qu'album après album, l’œuvre de Manuele Fiore gagne en originalité, en intensité et en cohérence, aujourd'hui sort L'entrevue chez Futuropolis. L'attente est grande tant aucun faux pas n'est décelable chez cet auteur indispensable pour quiconque a succombé aux charmes de son œuvre.

On connaît le travail de Manuele Fior depuis quelques années maintenant. On l'avait découvert grâce à l'album intitulé Les gens le Dimanche (2004), suivi d'Icarus (2006) et sa fascinante bichromie. Deux albums, édités par les orfèvres suisses d'Atrabile, au ton unique, mêlant des récits sobres à des recherches graphiques passionnantes. En 2009, il y eut Mademoiselle Else, adapté de Schnitzler et publié chez Delcourt. En 2010, dans un retour magistral chez Atrabile avec Cinq mille kilomètres par seconde, prix du meilleur album incontesté d'Angoulême 2010, Manuele Fior nous racontait la relation entre Piero et Lucia à différents instants de leur vie. Le graphisme y était époustouflant de beauté, tandis que l'histoire faisait preuve de sensibilité, de retenue et d'émotion.
Le grand auteur, déjà prometteur, était confirmé.
Dans cet album, Raniero, psychologue, conduit sa voiture de nuit, lorsqu'il est surpris par une apparition mystérieuse dans le ciel de formes pyramidales et lumineuses. Accaparé, il en oublie la route et s'accidente dans le fossé. Ceci n'est qu'une des premières apparitions auxquelles va devoir se confronter la population. Suite à cet accident dont est victime Raniero, Valter, un de ses amis, lui glisse un « Franchement, les accidents de la route c'est un truc du siècle dernier ». Car j'oubliais de dire que nous sommes en 2048, et que cet album peut éventuellement à ce titre rentrer dans le genre « science fiction ». Pourtant, nulle trace dans les vêtements de notre personnage principal, ni dans la majorité des décors urbains : on y voit bien souvent une Italie telle que nous la connaissons, avec ses places, ses terrasses et ses sculptures antiques. Certes, il y est question de « Nouvelle convention », la ville est fermée de 22h à 5 h afin d'en repeupler le centre, on y parle « d'émeutes » antérieures, il y existe des voitures téléguidées... mais le cadre nous est intimement familier.
Non, cet album ne peut se limiter à un genre. Ce que nous offre Manuele Fiore, c'est un bouleversant voyage dans les sensations de ses personnages. On y voit des êtres épuisés, dévorés de désir, apeurés, hilares, abattus... vivre tout simplement. Le récit est fait de cet agglomérat de sentiments et d'errance.
Cette « promenade » des sens est rendue possible grâce à la fluidité dont fait preuve la narration de l'auteur. Rarement on a vu des cases s'enchaîner avec autant d'aisance et d'inventivité. Quant au dessin de Manuele Fiore, il est juste confondant de beauté. Que ce soient les visages, les corps, les paysages... tout dans son dessin fait preuve de délicatesse, de retenue et d'une stupéfiante sensualité. Un simple mouvement de main d'un personnage peut à tout moment, grâce à sa tension et son élégance, provoquer votre émerveillement.
Cette parfaite fusion entre récit et graphisme est une fois de plus, de la part de Manuele Fiore, la preuve de ce que peut être une grande bande dessinée.



Commentaires